Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 06:21
  En quête à Voisinlieu
Épisode 3

Me voici dans le vif du sujet. Pas le temps de digérer mon premier repas, frugal mais paisible, au Bar des Promeneurs, qui a gardé son nom mais changé de tenanciers. Pas moyen de me reposer et de reprendre des forces, enfin, après ces années de promiscuité à la prison de Compiègne, dans cette cellule humide où l’on s’entassa jusqu’à onze détenus, parfois… J’avais pourtant tout de suite adopté cette chambre proprette aux murs jaune d’or et aux rideaux de voile léger au milieu de ce quartier de mon enfance où j’ai été si heureux.

A la fin précipitée de mon premier vrai repas, Je m’entends encore me dire  intérieurement, en croisant mon regard dans la glace piquée de la petite salle à manger : incroyables, ces deux coups de bol successifs : deux des anciens sbires de Bernard se présentent à moi sans le savoir et, en plus, ils ne me voient pas. Faut dire que la petite table que j’avais choisie, presque sous l’escalier intérieur, me mettait hors de portée des coups d’oeil curieux. Maintenant, au calme dans ma chambre, je réalise que le jeu s’annonce inégal : ces deux là ne savent pas exactement quand je dois revenir mais ils ne tarderont pas à être renseignés. Dans ce troquet, les allers et venues ne passent pas inaperçus, surtout quand une nouvelle tête s’annonce. Le lieu est convivial et peu éloigné de St-Jacques où ils habitaient comme beaucoup des ouvriers de l’usine. A fréquenter le même endroit qu’eux, je perds toute quiétude pour mes recherches, moi qui voulais ne réapparaître qu’une fois la vérité établie. Inutile d’évaluer les probabilités de rencontre, je suis perdant d’avance. Ils ont vieilli mais ils sont encore d’alertes retraités bien paisibles. Ils ont toujours su donner le change. Le jour viendra où ils se sentiront moins à l’aise de me savoir à nouveau libre. Libre de vivre ma vie, après avoir pris celle de Bernard dans un échange de coups non prémédités mais aussi libre de rechercher dans le passé trouble de Bernard et dans le leur ce qui a ruiné mon père et provoqué la mort prématurée de ma mère. J’ai vengé ma famille sans l’avoir voulu dans un moment de haine et parce que j’étais le plus fort mais je veux retrouver et faire savoir, comme mon père me l’a demandé dans ses derniers instants, comment ces trois personnages ont modifié le cours de la vie de mes parents, à la fin de la 2ème guerre mondiale, à Aubervilliers, dans la petite usine familiale. Ah, les voilà qui traversent et remontent dans la voiture où Joe se met au volant. Sa petite R8 grenat n’est pas de première jeunesse. Je leur laisse prendre un peu de champ avant de sortir à mon tour pour gagner le Sentier de la Place, à deux pas du café. Comme souvent, mi-octobre, la soirée est douce, en cette fin d’après-midi. Après les quelques maisons fraîchement repeintes que j’ai du mal à reconnaître, me voici devant la prairie, le petit jardin et la maisonnette fleurie où j’ai grandi, au milieu de la sente, loin de tout. Les noisettes n’ont pas été ramassées et quelques roses fanées sur la façade confirment, décidément, que Rosa, la locataire, une ancienne amie d’école primaire, n’a vraiment pas la main verte. J’appuie sur la vieille sonnette et un chien, aux aboiements dissuasifs, me répond.

 

Chantal Gaultier

 
     
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°02 – Janvier 2012
Partager cet article
Repost0
13 juin 2012 3 13 /06 /juin /2012 06:38

En quête à Voisinlieu
Episode 2

  J’étais monté dans ma chambre. Pensif devant cette fenêtre sans barreaux. Me calmer, reprendre mon souffle. Remettre de l’ordre dans mes projets. Pourquoi étais-je revenu une deuxième fois sur le sol natal, à Beauvais ? Vouloir comprendre ce passé encombrant l’histoire de mon père m’avait déjà coûté très cher. Est ce que l’archiviste départemental allait pouvoir me montrer le dossier. Ne pas m’opposer de secret. Un procès pour homicide volontaire sur la personne de Bernard, le pire ennemi de mon père. Pourquoi Max et Joe - les deux acolytes de Bernard - continuaient-ils à me chercher. Tout le monde s’en était sorti indemne physiquement. Il n’y avait pas eu mort d’homme. J’avais purgé une peine de cinq ans.


Chantal Priolet

à suivre

 
     
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°01 - Décembre 2011
Partager cet article
Repost0
12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 14:00
 La lettre d’amour que vous auriez
aimé recevoir

  Ma chère Chantal
J’ai plaisir à faire régulièrement des randonnées avec vous,  même si nous appartenons tous deux au groupe de marche. J’arrive heureusement à vous détacher du groupe et de penser à vous. Alors je vous envoie cette lettre vous présentent mon amour platonique…
Certes vous êtes sportive, mais ce qui m’amuse le plus, c’est votre goût des bonnes choses, votre gourmandise. Vous  avez un bon coup de fourchette et votre corps ne s’en porte que mieux. Vive vos rondeurs, chère Vénus callipyge. À bas les régimes alimentaires, ne vous en déplaise. Oui, vous avez grossi et ça vous réussit. Vous êtes aussi attirée par d’autres nourritures plus culturelles : la musique, la lecture et d’autres sujets. Toutefois ne vous égarez pas ! J’aurais trop de peine de vous perdre. Gardez votre originalité et surtout votre jardin
secret. Par ailleurs je vous sais altruiste et généreuse.
Chère Amie, pensez d’abord à votre personne. Méfiez vous de certains loups de la ville, prédateurs qui trouvent souvent des proies autres que nous, pauvres humains.
Sachez aussi que les carnivores, coexistent avec des agneaux doux comme moi. Oui, je vous apprécie grandement.

Mon rêve : devenez ma belle d’abandon.
Au plaisir de marcher à nouveau ensemble. Sentir l’humus et la terre, reconnaitre les différentes feuilles celles de châtaigniers, de hêtre, de chênes
présente en forêt de Savignies. Regarder
les habits multicolores des arbres de cet automne bien installé.
Dans l’espoir de vous revoir à la prochaine randonnée, en tout bien, tout honneur.
Bien à vous
Votre sigisbée


Chantal Priolet

 


 
     
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°02 – Janvier 2012
Partager cet article
Repost0
11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 08:43
 Rubrique : Faits divers
Utilisateurs de trottinette : attention
aux chiens

Jeudi 24 novembre, vers neuf heures, face au bureau de poste de l’avenue d’Iéna à Paris, alors qu’elle descendait vers les jardins du Trocadéro en compagnie de sa maîtresse, Dauphine, un superbe dogue allemand femelle de trois ans, a été heurtée par un jeune homme à trottinette qui aurait voulu dépasser le couple au moment où la chienne faisait un léger écart. Le jeune homme a roulé par terre. C’est alors que l’animal se sentant agressé l’a saisi au collet et l’a occis. La police a établi les premières constatations et a saisi l’engin pour des investigations complémentaires. Compte tenu des accessoires trouvés dans le sac du jeune homme, il est permis de penser qu’il se rendait sur un court près de la porte d’Auteuil. Etait-il en retard ? Ceci pourrait expliquer la vitesse à laquelle il descendait l’avenue d’Iéna. Les services d’urgence de la clinique canine de la rue de Passy appelés sur place ont diagnostiqué une légère contusion des muscles de la patte arrière gauche mais recommande un suivi particulier de l’animal pendant quelques mois pour prévenir une éventuelle modification du caractère normalement paisible de l’animal qui a certainement été traumatisé par ce regrettable incident.
La propriétaire de l’animal, Madame de Lavigne, a pu reprendre sa promenade matinale en compagnie de sa fidèle compagne. Elle n’envisage pas de porter plainte.


Claude Aury

     
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°02 – Janvier 2012
Partager cet article
Repost0
11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 07:20
Un amour de chat : Conte de Noël
Avant - l’année dernière encore - Bertille aimait décembre. A 80 ans, elle s’émerveillait comme aux temps de son enfance bretonne des premiers flocons, du doux soleil l’après-midi et des boutons de roses rescapés à l’abri de la grange. Maintenant que Julien était parti, le dernier mois de l’année lui était insupportable : trop doux pour la saison, trop froid pour sortir dans les magasins, trop bruyant quand ses amis du Club la réclamaient, trop débile quand la télé s’invitait dans sa maison pour lui rappeler comment consommer rituellement à cette époque, malgré sa solitude.
Ah, quand il était encore près d’elle, même très souffrant, à Noël dernier, tout était possible. Bien sûr, elle était consciente que la trêve accordée par la maladie serait brève mais ils avaient vécu ce dernier 25 décembre tous les deux comme à leur habitude : dans la quiétude et l’affection. Elle pensa, avec une sorte de sourire heureux aux lèvres, qu’ils auraient dû s’endormir ensemble, ce jourlà, pour toujours. Le regard perdu sur la rocaille verdoyante, au fond du jardin, l’oreille bercée par Brassens – la seule musique qu’elle supportait - et sa « Brave
Margot » elle se laissait gagner par les souvenirs de ce jour heureux quand son oeil fut attiré par une forme grise qui
traversa la cour comme une flèche pour grimper lestement au grand conifère du jardin. Le gros chat angora gris était de
retour. Il réapparut quelques secondes plus tard. Rien d’étonnant qu’il n’ait pas trouvé de moineau égaré, les  corbeaux de faction au sommet du noyer du voisin montaient la garde depuis le matin. Il n’avait pas dû trouver les restes de ses maigres repas qu’elle laissait chaque jour à disposition des chats errants du quartier qui aimaient bien l’adresse. Toujours à la recherche de sa pitance, le matou explora le rebord de la fenêtre de l’atelier : elle l’avait déjà vu, de nuit se dresser sur ses pattes de derrière et s’agripper comme un fauve à cet endroit. De jour, c’était la première fois. Il avait des proportions et une force peu communes. Elle s’approcha de la vitre en pensant qu’elle aurait mieux fait de rester au fond de son fauteuil car le seul visiteur de la journée allait bientôt s’évanouir. Contre toute attente, le chat contourna alors la véranda et se planta devant la porte d’entrée. Il n’eut pas besoin de gratter, comme dans la chanson, Bertille ouvrit la porte et se pencha pour le caresser. Il fit le tour de ses deux pieds en se frottant contre ses jambes et leva vers elle ses magnifiques yeux bleus clairs. Dans le frigo, elle trouva les restes de son filet de lieu-purée du midi qu’elle lui coupa en morceaux. Une petite jatte d’eau fraîche compléta le festin que le chat avalait maintenant, comme chez lui, sans lever le nez. Elle n’osait pas parler. Le disque était terminé, la fin d’après-midi s’annonçait dans la pénombre. Elle se souvint alors de cette merveilleuse robe grise que sa grand’mère lui avait cousue pour Noël à ses sept ans, pendant la guerre. Elle décida de l’appeler « Velours ».

 


Chantal Gaultier

 
  
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°02 – Janvier 2012
  
Partager cet article
Repost0
9 juin 2012 6 09 /06 /juin /2012 06:23
L’édito de Lucas Hermse
  Salut à vous, chers lectrices et lecteurs. Nous étions tous en salle de réunion à l’issue d’un brainstorming qui nous avait laissé exténués. Marc suçotait des tic-tac en songeant à des cigarettes et Chantal des
bâtons de réglisse en pensant à autre chose. Marc a lancé la bombe. Il m’a dit: “ C’est à toi d’écrire l’édito de ce numéro 2 de La Voix
d’un Lieu”. J’ai senti la fierté m’envahir et la responsabilité peser sur mes épaules alors que la bûche de Noël me pesait sur l’estomac. Le
numéro 2, c’est important. D’abord, ça démontre une certaine  pérennité (que de publications se sont arrêtées après un seul et unique numéro), et puis c’est le numéro de la confirmation; être à la hauteur voire s’élever au dessus des sommets déjà atteints dès le premier numéro… La pression quoi. Je me suis donc documenté pour que l’édito soit à la hauteur. J’ai compulsé divers périodiques représentatifs de la pensée française et essayé de m’en inspirer pour ma rédaction. Je me suis fait pousser les cheveux, les ai teints en gris et les ai  soigneusement peignés, ai enfilé un loden noir avec une écharpe crème, mis du tabac dans une pipe et ai déposé mon chat sur ma table de travail (avec ses croquettes sinon il se barre). Voilà, je suis prêt, mis en condition. Il ne me reste plus qu’à vous présenter nos voeux pour la nouvelle année. Nous vous souhaitons déjà d’arriver au bout, en pas trop mauvais état si possible et de pouvoir subvenir à vos besoins élémentaires. Nous vous souhaitons également d’avoir du temps
pour jouer comme nous à noircir du papier avec notre jus de crâne. Ce n’est pas un loisir très onéreux (sauf si vous voulez avoir la même consommation de tic-tac que Marc, auquel cas, mieux vaut acheter l’usine) et ça fait un bien fou. Si ça vous tente, venez… Y’a une place delibre à côté de moi.

 

        
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°02 – Janvier 2012
Partager cet article
Repost0
8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 09:08
   Loin d’Ibiza 

Campagne picarde
Loin d’Ibiza
L’ennui farde
De gris tes bas
Je regarde
Les nuages bas
Qui lézardent
Dans le froid
Novembre bombarde
D’éclairs droits
La campagne picarde
Sous l’eau, elle ploie
C’est le film d’une thésarde
En culture et cinéma
Qui filme l’avant garde
Des frimas
Vois ce sang qui lézarde
Au creux de mon bras
Comme ce ruisseau qui musarde
Entre les arbres las
Il y a ce sang qui lézarde
Au creux de mon bras
Vois sa couleur blafarde
On est loin d’Ibiza
Sur la campagne picarde
On entend quelquefois
Les chants d’antiques bardes
Sous lesquels les saules ploient


Lucas Hermse

    
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°01 - Décembre 2011
Partager cet article
Repost0
7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 06:12

EXECUTION DE LOUIS XVI

TEMOIGNAGE D'UN BOURREAU

 
 

  Il est 10 heures. La pluie a cessé mais il règne un épais brouillard.
L'air reste très frais. Les tambours se mettent à battre. Je frissonne de
froid, d'impatience et de dégoût. Le cortège arrive sur la place de la
Révolution par la rue de la Révolution. Le souverain déchu descend du carrosse accompagné de son confesseur. Il s'avance vers l'échafaud, lève la tête et considère un instant l'instrument de son supplice. Il a les mains libres. Il s'avance pour parler mais les roulements de tambours l'en empêchent. Mon père l'accueille. Louis CAPET ôte sa redingote
brune et son foulard cravate. Nous pensons qu'il faut lui lier les mains
car, involontairement, il peut entraver son supplice et le rendre
plus douloureux. Je lui dis alors :

- Il est nécessaire de vous lier les mains.

Louis CAPET a un mouvement de répulsion :
- Jamais ! s’écrie-t-il.
- Mon père Charles-Henri SANSON s'approche et lui dit d'un ton très respectueux :
- Avec un mouchoir, Sire.
A l'entente du mot "Sire", il tressaille;
- Et bien soit, encore cela, mon Dieu ! dit-il et il tend les mains.Je découpe grossièrement son col puis le rabat. Je constate que l'homme porte deux chemises. A mon regard surpris, celui-ci me confie :
- C'est pour ne pas trembler de froid. Je ne voudrais pas que mon peuple pense que je tremble de peur"
Puis je lui coupe les cheveux. Le condamné monte courageusement
l'escalier. On nous crie de faire notre devoir, et pendant que nous
lui mettons les sangles, il parvient à faire taire les tambours un instant
et, se retournant ver le peuple, il s'écrie :
- Peuple, je suis innocent !"
Il se tourne vers nous et déclare :
- Je suis innocent de tout ce dont on m'inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français…"

Les tambours recouvrent à nouveau sa voix. La planche bascule, positionnant Louis à plat ventre. Je ferme la lunette. Le couperet tombe. Il est 10 heures 22. Mon collègue LEGROS présente la tête de Louis CAPET au peuple en dansant autour le la plateforme. La foule en délire crie :
- Vive la Nation, vive la République !
S'ensuit une danse macabre, dégoûtante, sur fond de chant révolutionnaire : le salut par le sang ! Un homme plonge ses mains dans le sang figé et asperge la foule de caillots. Certains s'en barbouillent le visage, d'autres le goûtent et semblent le savourer, l'un d'entre eux le trouve trop salé. Le peuple vient tremper piques et
mouchoirs dans le sang royal. On emporte la dépouille de Louis
CAPET tandis que nous autres, bourreaux, nettoyons les lieux.
Fourbu et glacé, je rentre chez moi en passant par les petites rues qui, après la liesse collective, sont plongées dans un morne silence. Je me défends d'avoir des états d'âme. Ma mère m'a appris la résignation.
Je ne peux échapper à mon sinistre destin : comme mon père, je deviendrai "maître exécuteur des hautes oeuvres de Paris".


Yolande Dheilly

 


     
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°01 - Décembre 2011
Partager cet article
Repost0
6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 08:29

EXECUTION DE LOUIS XVI

TEMOIGNAGE D'UN BOURREAU

  Aujourd'hui est un jour solennel. J'ai le triste privilège d'assister
mon père Charles-Henri SANSON, exécuteur des hautes oeuvres de
Paris, pour la décapitation du ci-devant roi Louis XVI qui vient
d'être condamné par la Convention pour conspiration contre la sûreté
de l'État. Je suis Henri SANSON, son fils. J'ai vingt six ans. Je
l'assiste pour la première fois. Dans la famille, nous sommes
bourreaux de père en fils depuis quatre générations. Les gens
n'aiment pas les bourreaux, ils font peur, c'est pourquoi leurs épouses
sont elles aussi filles de bourreaux. Mon père a bien essayé de
s'intéresser à autre chose, il a tenté avec succès des études de physique
mais le sort en a décidé autrement. En tant qu'aîné d'une fratrie de dix
enfants, il fut tout désigné pour remplacer mon grand-père Charles-
Jean-Baptiste, décédé prématurément. Nous sommes le 21 janvier de l'an
1793. Il est 6 heures du matin. La pluie persiste à battre sur Paris et a
fait disparaître en partie la neige. J'avale une soupe brûlante et
épaisse et je sors de mon logis discrètement pour me rendre à pied
place de la Révolution. Je rencontre des patrouilles qui circulent
lentement dans les rues. Dans tous les quartiers, on bat la générale.
J'arrive sur la place ou déjà la foule se presse. Charles-Henri
SANSON a pris la précaution de dépêcher suffisamment tôt les
charpentiers pour dresser les bois de justice. Heureusement, la
guillotine a été inaugurée l'an passé, le 25 avril 1792 exactement, lors
de l'exécution d'un voleur de grand chemin : Nicolas Jacques
PELLETIER, ce qui rendra moins barbare le supplice de Louis
CAPET (auparavant, les nobles étaient décapités à la hache, les
pauvres pendus ou roués vifs). L'échafaud, peint en rouge, se
dresse à deux mètres de haut à l'entrée du jardin des Tuileries au
milieu d'un espace vide entre les Champs Élysées et le socle de la
statue déboulonnée de ci-devant Louis XV. Vingt mille gardes
nationaux ont été mobilisés pour prévenir un éventuel coup de main
royaliste et pour tenir le peuple au loin.


  Yolande Dheilly


  Â suivre
      
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°01 - Décembre 2011
Partager cet article
Repost0
4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 19:15
En quête à Voisinlieu

 

  Le train s’arrêta en gare de Beauvais. Une foule de passagers se précipita vers la sortie. C’était pour la plupart des hommes et des femmes qui travaillaient à Paris. Ils faisaient le trajet deux fois par
jour et cinq fois par semaine. C’est après eux que descendit un homme au teint gris et aux cheveux longs qui était vêtu d’une parka grise comme on en portait il y une vingtaine d’années. Au lieu de se hâter, il semblait soucieux de regarder tout ce qui l’entourait. 

Il s’arrêta même devant la gare et alluma une cigarette. Il tombait une petite pluie et l’homme mit le capuchon de son vêtement et dirigea ses pas vers la ville. Il passa devant le Kiosque, regarda le menu et haussa les épaules puis poursuivit son chemin vers le centre. Toutefois, au lieu d’aller tout droit vers la gare routière il prit à gauche, franchit le passage à niveau, passa dans la rue du Faubourg Saint-Jacques où il s’arrêta au tabac pour acheter des cigarettes et poursuivit son chemin vers Voisinlieu, un quartier qu’il connaissait bien.

Son regard fut attiré par la croix verte clignotante de la pharmacie.

Il se souvenait qu’autrefois elle était dirigée par un potard qui s’appelait Michel Simon, comme l’acteur. Il passa encore devant un café d’où sortait une musique tonitruante, évita une voiture devant l’église Saint Jacques, fut dépassé par un bus au niveau de la poste et arriva au Café des Promeneurs. Il dépassa le café, pour voir s’il y avait du monde puis constatant la voie libre, entra et demanda au patron, s’il avait une chambre libre. L’homme, un moustachu, avec une cigarette au coin de la bouche lui donna le prix, encaissa le billet, rendit la monnaie et appela une jeune fille pour qu’elle lui indique la chambre. L’homme suivit la fille dans l’escalier, ça faisait longtemps qu’il n’avait pas monté un escalier derrière une femme. La fille ouvrit la porte alluma la lumière et s’éloigna en lui disant « Vous pouvez manger à partir de 7 heures. » Quand il referma la porte, il se rendit compte que pour la première fois depuis longtemps, c’était lui qui avait tourné la clé derrière lui. Il avait du temps pour lui, il posa son petit sac, prit le cendrier publicitaire jaune, le mit sur le couvre pied vieux rose, arracha le papier transparent qui enveloppait le paquet de cigarettes, se saisit d’une cigarette puis, se ravisant, reprit le cendrier, ouvrit la fenêtre et se mit à fumer à la fenêtre. Il était de retour. Il regarda le quartier de son enfance, à gauche la boulangerie où il allait chercher le pain pour sa vieille mère et même des bonbons, avant d’aller en classe, plus loin à droite, le gymnase où il faisait de la gymnastique à la Vaillante avec Jacquot. Derrière lui, il y avait l’école où il avait sué sur les problèmes de robinet, les trains qui se croisaient et l’accord du participe passé. Il revoyait le visage de Mr. Liquette. Tout cela était si loin. Plus tard, il repasserait devant la maison où il habitait avec sa mère. Puis demain sans doute, il pousserait jusqu’au cimetière sur la route de Paris. Jusqu’ici tout s’était déroulé comme il l’avait imaginé. Depuis six ans, il imaginait ce jour, il avait fait et refait le chemin dans sa tête et cela l’avait aidé à survivre, à supporter une situation qu’il jugeait injuste.
Il regardait l’ancienne mairie et plus loin vers la droite les deux cafés « Le vieux tonneau » ou « Le dernier sou » il ne se rappelait plus très bien. Il n’avait pas beaucoup d’argent et il ouvrit le portefeuille qui ne contenait que quelques billets qui lui permettraient de tenir quelques jours en ne faisant pas de fantaisie. Il faudrait qu’il trouve du travail rapidement pour pouvoir subsister et lui permettre de démêler le fil de toute l’histoire qui le hantait depuis si longtemps. Dès demain, il tenterait sa chance il essaierait de trouver un emploi au RN 1 comme manutentionnaire ou chez Massey. Il y avait urgence. Pour le moment il avait faim, il entendit au loin les cloches de l’Angélus, il était plus de 7 heures. Il pouvait descendre pour manger. Il allait attendre un peu pour ne pas attirer l’attention. Ceci faisait aussi partie de son plan. Ne pas se faire remarquer. Il attendit un quart d’heure, ferma la porte et descendit l’escalier qui menait directement dans la salle à manger. Deux personnes étaient déjà placées, c’était un couple de jeunes qu’il salua. Il attendit quelques instants et demanda à être assis dans un coin, d’où il avait vue sur la salle de café. Deux habitués jouaient au 421 sur un coin du comptoir. Le moustachu derrière le zinc, parlait à un type qui gesticulait et menaçait de renverser son verre de rouge. La serveuse qui lui avait indiqué sa chambre lui servit le premier plat, c’était des crudités avec un demi oeuf mayonnaise, il avait même droit à une petite carafe de vin rouge. La porte s’ouvrit et trois types en combinaison de travail entrèrent en bavardant et allèrent s’assoir à une table. L’un des gars se dirigea vers le juke-box, glissa une pièce et la musique envahit l’espace. C’était une chanson à la mode et l’un des gars tapa dans ses mains pour marquer le rythme. Il avait fini son entrée, la serveuse apporta prestement le second plat. C’était une tomate farcie avec du riz. Il commençait à manger quand la porte du café s’ouvrit encore en apportant un courant d’air froid. Il leva la tête de son assiette et regarda les deux hommes qui venaient de faire irruption. Celui qui lui tournait le dos, il le connaissait. C’était pour lui qu’il était revenu à Beauvais, à Voisinlieu dans ce « Café des Promeneurs » Mais il était important de ne pas être vu. Il déclina l’offre d’un dessert et regagna rapidement sa chambre. Son coeur battait à tout rompre et même la cigarette qu’il fuma rapidement ne parvint pas à le calmer.


Philippe Geiger

à suivre

 
     
      La voix d’un lieu 
Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
http://www.voisinlieupourtous.net
N°01 - Décembre 2011

Partager cet article
Repost0

Recherche

Calendrier du VEXINTEL


 
 
    

Texte Libre