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 Revue trimestrielle de l’association « LIRECRIRE » de Beauvais
 N°04 - Octobre 2011
   L’édito de Françoise Danel en Baie de Somme  

   

  Un mois déjà que j’égrène les jours : je dois rédiger l’éditorial de la rentrée et…je repousse à plus tard la tâche. Procrastination, quand tu nous tiens…

  Plage de la Maye ? Mais où se trouve-t-elle, cette satanée plage ? Je circule dans la bourgade côtière à cette heure matutinale à la recherche d’une place de stationnement gratuite tout en évitant les sens interdits qui sont légion et en renonçant à ma trajectoire devant les grilles dressées qui abritent le marché hebdomadaire. Comme je refuse de céder à la pression du GPS et à l’abêtissement généralisé du troupeau des conducteurs, je peste contre moi-même : ah ! si j’étais partie plus tôt, ah ! si je m’étais renseignée plus amplement…et contre l’absence de d’indications précises pour les quidams de passage.

  Les minutes s’écoulent, mon impatience grandit. L’impression confuse de l’inutilité de mon périple  m’envahit. La consultation  du plan de la ville arrête le processus et distille enfin quelque espoir. Je sors du Crotoy à dix heures. La pratique du quart d’heure picard de retard m’ôterait une épine du pied et m’offrirait la possibilité d’arriver avant leur départ. Alors que je me gare, le groupe se met en marche. J’arrive à temps ! A moins d’être   indigène, tout un chacun a eu les pires difficultés à découvrir le point de rendez-vous de cette ballade picardisante qui s’avère truculente.

  Sentiers ombragés : histoire d’oiseaux et de son monarque, le roitelet.

  Sentiers sableux : marche hésitante où chaque grain qui s’insinue dans les souliers retarde chaque pas.

  Végétation dunaire : tamaris, argousier, vipérine, bouillon blanc et onagre, deux merveilleuses plantes aux fleurs jaunes  goûteuses  et délicieusement parfumées. Pause et nouvelle histoire : Adam et Eve au jardin d’Eden avant d’en être chassés.

  A mes pieds, pas de pomme insidieuse et juteuse,

  Pas de péché originel,

  Seulement des feuilles rabougries et des corolles rosées de liseron qui disputent âprement leur présence en milieu hostile


 

 

Ç’était demain 
Le bâtiment est toujours là, paré de ses portes monumentales, tel que je l’avais connu. A deux pas du centre-ville, la bâtisse du XVIIe se dresse fièrement. Deux étages, pas plus. Une façade flanquée de six fenêtres de près de deux mètres. L’élégance, la sobriété calculée, le luxe d’un hôtel particulier. Au numéro 11 de la rue Paillot de Montabert.  Du bon côté. De l’autre, ils ont effacé l’ancien fief des prostituées. Dans ces ruelles étroites de la vieille ville de Troyes, il y a trente ans de cela, les filles se faisaient face, en vitrine, comme dans les capitales du Nord. Maintenant, tout est propre, aseptisé. Les mêmes enseignes dans toutes les villes. Points de repère pour ceux qui ont peur de l’Inconnu, elles ponctuent les quartiers autrefois malfamés et crasseux.

  J’aime pénétrer sous le porche par la petite porte inscrite entre ces deux mastodontes de chêne grisé. Sur les pavés, meulés par les roues cerclées de fer des calèches, on peut encore entendre résonner le pas des chevaux. La cour carrée est à l’abandon. Au centre, le massif n’abrite plus les fleurs odorantes et chatoyantes qui regardaient passer les cieux changeants de Champagne, s’amusaient des va-et-vient des calèches transportant des notables en perruques, parfumés et poudrés. La valse des maîtresses à faire rougir les pivoines. L’appartement de ma tante Kousmine se trouvait au premier étage. Son mari était linotypiste, atteint de saturnisme ; il avait mis fin à ses jours à l’âge cinquante ans d’un coup de révolver. Il m’a fallu poser bien des questions pour savoir la vérité sur sa brutale disparition. J’y venais enfant me délecter de liqueur de cassis maison. J’engouffrais les saucisses chaudes entassées sur les pics alors que les adultes parlaient, indifférents. Ma passion, pendant ces heures interminables, se trouvait dans le petit salon. J’arrangeais à ma façon « La Marche Turque », virtuose d’un jour, happée par la masse du piano demi-queue qui sentait l’encaustique. Saoule de musique et de crème de cassis, je sortais heureuse comme un enfant peut l’être de si petites choses. La nuit serait douce; j’étais une artiste.

  Dans les années 70, ce quartier médiéval devait être rasé. Parkings ou immeubles neufs. Fort heureusement après une visite à Rouen, le maire de l’époque, Robert Galley, décida qu’il conserverait lui aussi la vieille ville telle quelle. J’arpente. Les rues bordées de maisons à pans de bois. La tour du boulanger au croisement des deux rues principales. La ruelle des Chats si étroite qu’il suffit d’étendre les bras pour toucher les murs opposés. L’hôtel particulier du Vauluisant, en pierre sèche calcaire, un chef d’œuvre architectural, dont le nom m’envoûtait. Le cinéma L’Alhambra, avec son patchwork d’affiches, maintenant fermé et tagué. Partout des poutres sculptées que l’on découvre dans les hauteurs et les rues pavées glissantes où les pas résonnent. Que fais-je donc ici ?

  Août, comme juillet, sous la pluie. Depuis plusieurs années déjà. Est-ce dû au réchauffement climatique ?  Aux variations enregistrées depuis des millions d’années par notre système solaire à chaque passage dans un bras de la Voie Lactée ?

 Moi qui suis restée là, enfermée à travailler, je m’en moque un peu…

  Les nuages, masses sombres, se lient. Les colères du vent détruisent les tableaux ourlés qu’ils ont construits. La terre mouillée développe des relents de sang séché et de fer humide. Ces fragrances singulières s’exhalent sous les caresses de l’eau.

  Mes racines champenoises avec ses étés brûlants, soleil de plomb des vacances à la campagne, douces rémanences sous mes paupières d’adulte. A fleur de peau. Y en aura-t-il à nouveau ?

  Mes souvenirs d’enfant refont surface comme les poissons prisonniers des longs de filets de traîne.

  Le potager de mamie Valérie était caché par les plants d’asperges folles à côté du puits en bois bancal. L’odeur du carré de fraises ; on mangeait en silence pour ne pas être découvertes, mes amies et moi. Mais le silence ne suffit pas à masquer les larcins des enfants…

  Mon jardin se trouvait derrière un grand sapin, celui d’un Noël glacial ;  le gel brisait nos phalanges. Ses longues branches abritaient la tombe de ma souris Minnie surmontée d’une croix en bois de sureau. Au printemps, des œillets de poètes égayaient les rangées de laitues croquantes, de radis et de fines carottes pas encore dédoublées. Les tamaris délimitaient le potager dans un halo rose et vert. Derrière le grillage, la basse-cour et son coq Marcel. Il sautait sur mes jambes, ses ergots lancés vers moi, lorsque je pénétrais pour récupérer les œufs. Il me terrifiait, il me détestait peut-être aussi. Pour me consoler et me féliciter, mamie préparait un grand bol de riz au chocolat. De quoi retourner affronter à nouveau Marcel pour un autre bol.

  Dans ce village natal je passais tous mes étés. A une quarantaine de kilomètres de Troyes. Le noyer quatre fois centenaire m’accueillait chaque jour. Absorbée, je contemplais le panorama du haut de ma branche. J’étudiais les moindres changements du ciel, des chants d’oiseaux et des couleurs de la terre, des champs, des forêts. L’odeur chaude des blés mûrs m’arrivait par vagues successives. J’y devenais stylite. J’adorais la solitude. Et ne connaissais qu’elle. La maison familiale se trouvait dans un hameau isolé du centre du village. Trois cents habitants en comptant les chats errants, les chiens et les troupeaux de vaches. Grand terrain de jeu qu’un enfant parcourait librement, en toute sécurité.

Ghyslène Robbe

LE TROU DU DIABLE

Autant de nantis que de pauvres gens sont nombreux à se rendre à la croisée des chemins.

  Ils restent là un moment les yeux grands ouverts sur le trou sans fond. Puis tous s’en reviennent par les vieilles haies d’épines noires.

  À tout prendre, mieux vaut garder par devers soi sa misère, que de perdre son âme à la décharger dans le cul de basse-fosse du Diable.

                       Gilles Toulet

ÉCH TREU D’ DIAB’
Tant d’nintis qu’éd pov’ gins, is sont gramint à s’rènne à l’croésée d’chès c’mins.

  In momint, is rest’é lo à bayer d’vant ch’treu sans fond.

Pi tertous is s’ inrviennt’t pèrt chés vieilles hailles d’épeines noères.

  À tout prènne, i veut miu warder pèrt édvers li s’mizér, qu’éd perd’ esn âme à l’déquertcher din ch’tchul d’basse-fosse d’éch Diab’

  Les Petites Chansons 
    Tes chansons m'a dit un ami
Ont un petit air de famille
Elles sont les petits-enfants
Des chansons de nos grands-parents
Génétiquement allergiques
A la musique synthétique
Ecrites dans la tradition
Des p'tites chansons
Mes chansons c'est toujours pareil
C'est plutôt du confidentiel
Tu peux remballer tout Coco
On veut d'la muzak du disco
Elles ne rapporteront pas même
Des clopinettes à la SACEM
Je les écris pour pas un rond
Mes p'tites chansons
Mes petites chansons me soulagent
Elles grattent où ça ma démange
Elles ont aussi le défaut
De ne remuer que des mots
Pour dire ce qui va pas sur terre
Il faudrait plus qu'un inventaire
Ca sera jamais assez long
Une p'tite chanson

Mes petites chansons monotones
Même si elles ne plaisent à personne
Moi je les cultive en secret
Entre les pages d'un cahier
Je les peaufine, les fignole
Je les bichonne, les cajole
Je me chante sous l'édredon
Mes p'tites chansons
Peut-être vous aussi un jour
Ressentirez à votre tour
Comme un petit besoin pressant
L'envie de mettre noir sur blanc
Un coup de cœur, un coup de misère
Un coup de sang, un coup de colère
Vous écrirez dans votre ton
Une p'tite chanson
Post-scriptum des années plus tard
En rechantant ça par hasard
Je me dis mon petit Patou
La chute est un peu molle du genou
Sors ton stylo, faut que tu fasses
Une fin qui soit vraiment classe
Car elle pourrait devenir ta
Centième chanson!
© PATRYS
  Les pruniers 
 

Mon voisin est un menuisier-ébéniste de talent, travaillant différentes essences d’arbres pour le plus grand bonheur de ses fidèles clients. Le seul bois qu’il ne travaillera pas est celui de ses pruniers devenus imposants au fil du temps, quelques décennies ont suffi pour former un bosquet bien ombragé, à l’abri des regards. Mais ils ont fait de nombreux « petits » alentours, d’abord de minuscules scions, puis se sont installés tout contre la clôture grillagée mitoyenne créant un rideau de troncs serrés, longilignes, en finissant pas de monter vers le ciel. Cadre sympathique, original, une barrière végétale contre le vent d’ouest au début, puis la croissance de ces pauvres pruniers est devenue insupportable, (inquiétante même !) et après concertation de voisinage, il a bien fallu se résoudre à s’en séparer.

  La tronçonneuse a rempli sa mission, patiemment et rapidement, impitoyablement, mais dégageant une nouvelle vue, une délivrance, un soleil qui traverse à nouveau l’espace reconquis. Le menuisier en a profité pour procéder à un vrai et nécessaire nettoyage autour de « sa petite forêt », le paradis sur Terre, enfin presque…

  Les semaines, les mois passant, on a vu une multitude de jeunes pousses (de pruniers bien sûr) sortir de terre, gagner toujours plus de terrain, grandir et devenir des scions, de nouveaux scions indésirables, mais bien présents, bien vivants… prendre possession des lieux à nouveau chez notre sympathique artisan ! Situation désespérante, un tantinet angoissante, on reste pantois, on se sent tout petit devant une telle manifestation de puissance de la Nature.

  Bien sûr une autre intervention de l’homme (mon voisin) est souhaitable, imminente, urgente, radicale (elle sera faite très prochainement et ne sera pas la dernière malheureusement pour notre ami), afin de discipliner quelque peu cette Nature indomptable mais si chère à nos cœurs.

        Lucie Centro
  La fée Morgane 
  Il lui a donné rendez-vous sur la fête foraine. Elle embrasse sa grand-mère, qui suce des bonbons devant la télé.

« Je rentre pas tard, Mémé...demain, j'ai cours! »

  Elle descend par le Mont Capron: elle aime passer devant le petit théâtre de verdure, sous la voûte des arbres. Il y fait frais et sombre. Le temps de quelques respirations, elle se sent comme la fée Morgane dans la forêt, au milieu des sortilèges. Pour ça, il lui faut ignorer le groupe de garçons braillards assis sur les marches du théâtre, entourés de packs de bière. Elle n'a pas peur, elle les connaît, leur fait un petit signe de fée. Marc sera près de la barbe à papa. Elle se prépare, il va falloir lui dire...Il a pris trop de place dans sa vie, la place du propriétaire. Ah ce geste, quand il la saisit par la nuque...!

« Viens par là, tu es à moi !».

L'autre jour, il a dit à Mémé, en rigolant:

« Si elle me trompe, je la tue! »

  Jamais elle n'aurait cru ça possible, elle veut de la légèreté, de la liberté. S'appartenir. Voir sa vie devant elle. Une route sous le vaste ciel et partout des chemins tentants à prendre à sa guise. Elle sent bien que Marc ne serait pas un bon compagnon, qu'il l'empêcherait de s'envoler. C'est pour ce soir: elle va lui dire...qu'est-ce qu'elle va lui dire ?

« Ecoute, j'aimerais qu'on arrête de se voir, nous deux... »

Juste cette phrase... elle n'arrive même pas à l'imaginer. Pourtant, plus elle attendra, plus il s'installera dans l'illusion d'un futur : un petit couple, une petite maison, de petites idées. Une petite vie sans rien dedans, que du désespoir d'oiseau en cage.

  Arrivée en vue de la Place du Jeu de Paume, le cœur lui manque, elle s'assied un moment sur l'herbe, face au Lycée Félix Faure, son lycée. La fête fait son bruit violent, sa tête se remplit de chaos. Elle regrette de s'être emballée pour un garçon « peu recommandable », comme dit Mémé, Mémé qui prétend aussi l'avoir vu jouer avec un cran d'arrêt, « une lame grande comme ça, tu parles si j'ai eu peur ! »...

Allez, debout, va lui parler, tu es une grande fille, tu es la fée Morgane... Elle l'aperçoit, une barbe à papa dans chaque main, la mine sombre, sûrement parce qu'elle est en retard. Elle le trouve ridicule, sa décision s'affermit.

– Salut !

– Salut !

  Il lui tend le fuseau poisseux, l'embrasse, ils marchent. Elle s'excuse pour le retard. Ils longent les stands sans les voir, dans les cris, les rires, les tirs de carabines, les musiquettes, le scintillement brutal des animations lumineuses. Elle se sent étrangère. Ils ont fini leur barbe à papa, le silence pèse. Elle l'emmène à l'écart du vacarme et des lumières. Elle lui parle, enfin...Elle demande pardon, elle dit tout, surtout sa volonté de vivre libre, et, pour finir, qu'elle ne l'aime plus. Il se tait, sonné, très pâle. Puis en la regardant dans les yeux, il sort en un éclair le couteau de sa poche, dégage la lame luisante, et frappe. Au cou. Fort. Plusieurs fois. Du sang. Elle tombe sans crier. Il part en courant. Personne n'a rien vu. Le sang coule dans l'herbe, c'est fini. Sa petite âme s'envole, elle se sent légère. Elle monte, monte. Elle voit toute la place maintenant, la foule, les manèges, une agitation brouillonne, des groupes se font, se défont, des enfants courent, des amoureux se regardent, des jeunes tirent sur des cibles en carton, et partout ça scintille, ça clignote ...elle n'entend rien, pas un bruit, elle flotte au-dessus de la vie... Enfin, elle l'aperçoit, il marche sans savoir, pâle, si pâle, petit garçon perdu. Elle aimerait le prendre dans ses bras, le bercer. Tout est réparé, c'est ça qu'elle voudrait lui dire. Il nettoie le couteau au robinet, derrière un stand.

« Oui, fais ça, c'est bien! Personne ne saura que c'est toi... »

Elle monte encore et encore, apaisée. La mort commence...

 

                      Dominique Langlet

 
 
 
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Revue trimestrielle de l’association « LIRECRIRE » de Beauvais

http://www.lirecrire.fr/  N°06 - Avril 2012

L’édito de Jonathan

 Bon... On m'a demandé d'écrire un édito pour Le Liseron, comme d'autres avant moi l'ont fait. Mais que faire ? Non, je ne parle pas du livre de Lénine, prêt à penser pour certains lambertistes, mais bien d'un simpleéditorial...
Aïe, aïe, aïe...Je lis la définition dans une encyclopédie quelconque pour mieux comprendre de quoi il s'agit. Non, je
vous entends d'ici, ce n'est pas wikipedia... enfin, si, c'est si
pratique ; l'autre a moisi. Bon, allez, je me jette à l'eau. Si j'ai bien compris, je dois introduire l'actualité ou le contenu de ce numéro-ci de notre Liseron. Non, n'utilisez pas de désherbant, ce n'est pas un parasite !
Laissez la nature faire son travail ! La parole doit être libre, elle aussi ! En cette période pré-électorale, peu importe si on se préoccupe ou non de savoir qui sera le prochain roi élu de
cette république autoritaire, ce qui importe est bien le contenu du programme proposé. Nous concernant, notre programme est
ludique et enivrant : poèmes, haïkus,micro-nouvelles, vers, vers d'air et aussi de terre, l'humilité étant fondamentale dans une vie saine, avec un peu de folie, ainsi que beaucoup d'érotisme et de musique.Nous n'aborderons donc pas de sujets discriminatoires, fantasques ou démagogiques, mais bien la vie ellemême, qui danse et chante (nos beaux textes si possible).
Quoiqu'il en soit ce petit journal vous fera découvrir quelques écrits d'auteurs sans prétention. Appréciezces textes ou non ; en tout cas, ilsvous aiment. Vous pourrez trimbaler ce petit journal dans votre poche ou bien dans vos mains pour le lire en
marchant dans la rue, en faisant bien attention de ne pas heurter de passants, ou encore le lire chez vous, et aussi le faire lire. Et qui sait, peutêtre qu'un jour vous y serez.
L'association Lirécrire organise mensuellement des rencontres
littéraires ou chacun amène son travail, écrit par ses petites mains ou non, ou bien juste ses oreilles. Il y a quelques mois, le groupe présent a écrit plusieurs haïkus, poèmes en trois vers, et certains ont été publiés dans un numéro précédent. Alors n'hésitez pas à vous joindre à nous et ainsi partager de bons moments de lecture et d'écriture. Dans ce numéro, vous lirez l'histoire d'un premier amour, une autre histoire amusante, encore une autre, sensuelle cette fois, un haïku et je ne sais quoi encore car il y a tant de richesse dans ce petit livre que vous tenez entre les mains. J'avoue que je suis pressé de terminer cet édito et d'aller me cacher, mais il faut bien que je fasse une page, et je crois que j'y suis.
Youpi ! Je peux arrêter de me sentir ridicule.

Au revoir !

 


  Bijou perdu

 Où sont passés mes pendants d'oreille en onyx ? Bon sang,
dîner avec le Préfet, et juste pile je perds les boucles de Mémé
Marianne ! « Sigmund, dis-moi pourquoi ! »
« Eh bien » répond-il « Tu veux bousiller ta soirée, c'est évident... La dernière fois que tu les as vues, c'était où et quand ? » « Ah ben oui, dimanche dernier, à l'heure de la messe: pendant que mon mari fait ses dévotions, je vois mon jeune amant... elles sont sans doute toujours sous l'oreiller,
et tu serais trop content de savoir pourquoi ! A propos, mon jeune amant, c'est justement... le fils du Préfet, haha! »
Mais laissons là Sigmund ! L'an dernier, dans une expo d'art
surréaliste, je ne connaissais pas encore ce délicieux jeune homme. Nous étions tous deux à l'arrêt devant le même tableau, où un escalier tout mou montait au ciel, laissant s'envoler de sa plus haute marche un groupe de chapeaux
melons. En bas, une plage à carreaux noirs et blancs, avec au
premier plan un amas de bois flotté, suggérait une tristesse
contredite par le joyeux envol des couvre-chefs moirés. Une
silhouette de femme, toute menue, ponctuait le bord de mer. En y regardant de plus près, on remarquait sous la robe comme
des griffes de renarde, et audessus du sage col Claudine un
joli museau velu. En arrière- plan, un phare en forme de gâteau de mariage, dégoulinant de crème d'écume, titillait le spectateur iconoclaste, tandis que les deux époux en plastique plantés en son sommet rivalisaient de sottise compassée.
« Viens », me dit l'inconnu qui contemplait avec moi cette oeuvre absconse, « on va rentrer dedans !». D'un même pied, nous franchissons gaiement le cadre. La plage nous avale, puis nous rend à nous-mêmes au bas du mol édifice. Le dernier chapeau,effrayé, s'envole. « Ils vont où, tu crois? » « Ben, ils passent l'hiver à Paris, sur les porte-manteaux des restaurants chics... » «C'est idiot, ils sont dans le courant d'air, avec la porte tambour qui tourne sans arrêt! » «Ils aiment ça, ça leur rappelle tous ces dessins où on les fait s'envoler de la tête du monsieur » Ce garçon hors du commun m'amusait décidément plus que mon triste sire de mari. J'eus envie d'aller au phare. Un, deux, trois, partez! On a couru là-bas, foncé dans la crème fouettée, la crème pâtissière, la crème crémeuse, on s'en est mis partout, puis on est montés arracher les deux figurines
à la con, ça m'a fait du bien, mais du bien! Si je racontais tout ça à mon mari, il ne me croirait jamais! Je lui ai juste dit que j'avais perdu les boucles de Mémé Marianne dans un gâteau à la crème en haut duquel il était perché, en costume de pingouin. Maintenant, toute la semaine j'attends avec impatience l'orgasme du dimanche matin...


Dominique Langlet

 

  L'ANNEE BISSEXTILE
 Pour que soit rigoureux notre calendrier
Certains ans l'on octroie au mois de Février
Une journée de plus mécanique subtile
Drôle d'année que l'année bissextile
Indéniable fait de civilisation
Que d'être avec son temps en parfaite équation
L'indigène Zoulou, Robinson sur son ile
Ne connaissaient pas l'année bissextile
Les six heures qui font d'habitude défaut
Nous sont restituées pêle-mêle sitôt
Le vingt-neuf février, équilibre fragile
Drôle d'année que l'année bissextile
Le 29 février c'est comme une accalmie
Comme une parenthèse, une trêve, un sursis
A la fuite des jours, à la vie qui défile
Drôle d'année que l'année bissextile
Déjà les philosophes en ont fait l'analyse
Et pour bien distinguer ce jour-là préconisent
Une fête du temps, je n'y suis pas hostile
Drôle d'année que l'année bissextile
Alors tout un chacun ferait et c'est normal
Le 29 février son bilan quadriennal
Quitte à son testament greffer un codicille
Drôle d'année que l'année bissextile
Le 29 février appelle l'ironie
Au pire le sarcasme, au mieux la fantaisie
Ca ne fait pas sérieux, ça fait 1° Avril
Drôle d'année que l'année bissextile
Le mordu de tout poil aussitôt en profite
Pour se consacrer à sa passion favorite
Croquant à pleine dent la journée volatile
Drôle d'année que l'année bissextile
Et le collectionneur d'objets hétéroclites
Toujours à la recherche de la pièce insolite
Trépigne d'impatience quand au loin se profile
Le bout du nez de l'année bissextile
L'artiste amateur plein d'une joie sans partage
Donne le dernier coup de main à son ouvrage
Comme une signature une marque de style
Drôle d'année que l'année bissextile
Le 29 février cela dit pour conclure
N'a jamais ressemblé à une sinécure
Quel trésor quel régal pour le bibliophile
Les annales de l'année bissextile...
Drôle d'année que l'année bissextile !

 

PATRYS

 
 

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Revue trimestrielle de l’association « LIRECRIRE » de Beauvais

N°07 - Juillet  2012   

  L’édito de Catherine Tolleron
 

A toi l’honneur ! », m’a dit Marc, élégamment vêtu de clair et chapeauté pareillement. En version plus familière, ça donnait : « C’est toi qui t’y colle ! » Je fais ma mijaurée : Ouh, là là, My God, mais comment vais-je m’y prendre ? Alors qu’en fait, je crève de fierté d’être l’éditorialiste de ce numéro du Liseron, d’être l’ELUE ! C’est MOI qui (ki). En plus j’ai appris ça le jour du FMNH. Non, pas le Front Mondial des Nudistes Hencolères, mais le jour du Festival de la Micro-Nouvelle et du Haïku qui s’est déroulé (puis a été enroulé de nouveau) fin mai à Plouy, sous un soleil RA-DI-EUX et des auspices favorables (un pigeon avait crotté à six heures trentedeux dans mon bol de café). Je sautai (passé simple) donc de joie (pas trop haut vu mon surpoids et mon âge mûuur) tentant ainsi d’imiter (mais sans succès) les gracieuses créatures qui dansaient sous la houlette de Roberto (prononcer lobelto avec un peu de r quand-même) telles des copines d’Isadora Duncan dans les pâquerettes et sous les saules (disparus). J’étais ravie, donc encore, et partageai (passé simple, bis, j’aime bien) ma joie avec les participants qui s’égayaient sous les arbres (terme générique pas trop littéraire mais je sais pas trop c’est quoi comme race). Il me fallut user de quelques bribes de mauvais anglais pour me faire comprendre (Moi Jane, toi Tarzan) car cette année, le festival était dépaysant, insolite, cosmopolite (toimême, mal poli !). Nous eûmes successivement un premier prix, enfin, une première prise québécoise qui s’écria « c’est tiguidou !» (si vous ne savez pas ce que ça veut dire, cherchez sur la toile, bande de feignants) à l’annonce des résultats, un très joli auteur espagnol vivant à Albacete (je l’ai retenu, vu qu’il fut obligé de répondre avec un sourire charmant et de bonne grâce à une vingtaine de personnes lui posant immanquablement la même question : « et sinon, vous venez d’où ? », une juive russe, errante et sympathique, brillante et charmante, ayant vécu dans une dizaine de pays, exercé une douzaine de métiers, parlant couramment une treizaine de langues (ce qui me fit l’effet curieux d’être un misérable ver de terre) et enfin, parce qu’il ne faut pas lasser le lecteur, une adorable et précieuse japonaise qui nous fit le cadeau d’un chapelet de perles délicatement glissé de sa bouche : un vrai haïku, en vrai japonais. Sinon, pour faire coucou à mes potes, Alan nous charma de son phrasé parfait et de ses accords guitaresques (euh ?), Framboise fut publiée cette année et le beau Vincent nous ensorcela de sa voix divine. Bref, j’en passe, et des moins bonnes. Mais voilà, je digresse, je digresse (tu dis quoi ?), fais de mauvais jeux de mots (laids), tout ça au lieu de faire l’édito (to) d’une revue que je vous recommande, car c’est comme qui dirait un lieu de rencontres de gens à peu près aussi fêlés que moi (voire plus) qui au lieu de se taper dessus tapent sur des bambous et des touches de clavier. Bref en gros, je ne fais pas mon boulot, mais je m’amuse bien. C’est important, non ? Allez, à vos plumes !


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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 Revue trimestrielle de l’association « LIRECRIRE » de Beauvais
http://www.lirecrire.fr/  N°06 - Avril 2012
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