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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 09:39

Je me suis souvent demandé

Je me suis souvent demandé ce que j’aurais fait si je n’avais pas été professeur d’anglais. Je crois que j’aurais suivi les traces de mon père, ce qu’il espérait, j’aurais fait une licence en droit et j’aurais repris son cabinet d’assurances. Cela m’aurait un peu pesé car je n’aurais pas aimé demeurer à Rethel. Quand j’y habitais, j’avais un peu l’impression d’étouffer. C’était une petite ville, une petite sous-préfecture bien morne avec un cinéma le Rex, deux programmes par semaine, deux foires par an, en mai et à la Sainte Catherine et une grande animation : les fêtes de Sainte Anne qui rythmaient la vie de la petite ville. Elles avaient lieu à la fin du mois de juillet et pendant quelques jours la ville résonnait du flonflon des manèges puis la ville retombait dans sa torpeur estivale. Je m’y ennuyais beaucoup, heureusement comme je lisais beaucoup, les livres et la presse m’apportaient un dérivatif et trompaient mon ennui. Pourtant je ne parviens pas à m’imaginer adulte à Rethel car je n’y ai vécu constamment qu’enfant et adolescent. Même quand j’ai commencé à exercer à Reims je ne rentrais à Rethel qu’en fin de semaine. A Reims la vie était beaucoup plus agréable et offrait plus de loisirs, on trouvait un grand choix de cinémas, une salle proposait même des films en version originale. Si je n’avais rien à faire, il y avait la Place d’Erlon, ses brasseries, ses vitrines et aussi le théâtre animé à cette époque par Robert Hossein qui dirigeait un atelier de théâtre. J’y ai vu « La maison de Bernarda » avec une jeune actrice Isabelle Adjani. Je me souviens avoir vu la version de « Pour qui sonne le glas » Hossein réalisait de grands spectacles dans la veine qu’il a poursuivie à Paris par la suite. Dans le même théâtre j’ai pu entendre des chanteurs tels que Nougaro, Jean Ferrat, Moustaki, Gilles Vigneault.

 

 

 

Philippe Geiger

 


 
     
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N°04 – Juin  2012
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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 07:25

FEMME LIBRE,

TOUJOURS TU CHERIRAS LA MER

Une fillette de cinq ans en maillot de laine, les fesses sur les galets, regarde cette mer hostile qu’elle a tant désirée, la mer de la côte picarde. Elle en rêvait, mais la réalité surprend parfois. Les vagues d’un vert-gris, mousseuses comme la bière que buvait son père l’empêche d’aller tremper ses pieds dans l’eau. Les flots si monstrueux, démesurés pour une si petite fille l’effraie, ils vont la faire tomber, l’engloutir dans les profondeurs. Attirée pourtant, elle tente de se redresser malgré le vent sifflant en ces jours de début d’été mais ses pieds minuscules souffrent sur ces galets qui roulent sous ses pas. Cayeux sur mer porte bien son nom : « cailleu », cela signifie caillou en picard lui a expliqué sa grand-mère. Patiemment, elle attend la marée basse pour voir le sable mouillé, promener son filet dans les bâches en quête de quelques crevettes, creuser dans l’estran pour trouver quelques tellines et couteaux. Pour l’instant, elle cherche un trésor dans ce champ : des galets très blancs, brillants et tout doux, les plus jolis, qu’elle entassera dans son seau. Progressivement, la mer d’opale découvre un sable blond, le vent s’est apaisé. Une brise légère soulève la chevelure brune de Juliette. Elle enfile à la hâte ses sandalettes en plastique, traverse la masse caillouteuse son épuisette à la main et s’élance vers la plage, son paradis. Elle s’enivre des embruns, de cette immensité qui tenaille. Elle ressent quelque chose de puissant qu’elle ne sait pas encore nommer liberté. Elle court dans les flaques salées qui mouillent son corps gracile, elle n’entend pas les cris de sa mère, elle vient de naître, elle n’a plus peur, elle est seule au monde avec les éléments, elle est heureuse ! C’est le début d’une longue et belle histoire d’amour avec les mers et les océans du monde entier qui l’emmèneront sur les îles de la mer d’Iroise, de Ré, d’Oléron, de Porcros et Porquerolles, d’Arosa, du Dodécanèse, de Madère, de Zanzibar et de Pâques. Elle plongera dans des mers d’émeraude, des lagons bleus, des eaux d’encre, foulera des sables blancs, rouges ou noirs volcaniques, rencontrera des poissons étranges et multicolores, voyagera au cœur d’un jardin marin extraordinaire.

 

 

 

Yolande DHEILLY

 


 
     
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N°04 – Juin  2012
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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 07:14

La mer

Sur les carreaux salis de cet hôtel sans âme

les gouttes de l’averse dessinent leurs méfaits

ajoutant à l’angoisse du lit si peu défait

de torrides arabesques que mon instinct condamne.

Tu ne reviendras pas.

 

Le Golfe du Morbihan et sa mer enclavée

ont trop souvent caché nos brèves déraisons ;

les voiles dégoulinantes du Yacht-club d’Aradon

en chœur funeste sonnent la fin de l’hyménée.

Mais tu me manqueras.

 

Ce que le ciel me dit la mer avide l’avale.

Les éléments vengeurs l’un l’autre hardis

se fondent alors que nos deux vies

faute d’une ria profonde s’écoulent en de multiples et stériles cavales.

Elles pèsent trop lourd sur moi.

Je vais tenter ma chance sur les sentiers de côte.

Si le soleil revient sur la mer apaisée

J’accepterai une vie à la mienne mêlée

sinon je me laisserai glisser dans la mer haute.

C’est elle qui décidera et ce sera sans toi.

 

 

Chantal Gaultier

 


 
     
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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 07:06

La Mer au Boulot

La mer ressemble à ton amour Elle veut sentir qu’on la désire Elle s’avance puis se retire.  

Yves Duteil

 

La mer c’est dégueulasse, les poissons baisent dedans. Renaud Séchan

 

Ô que ma quille éclate, Ô que j’aille à la mer!

Arthur Rimbaud

 

Samuel s’affala sur une chaise en plastique loin de la machine à café. Il avait passé une mauvaise nuit et ne se sentait pas d’attaque pour endurer les passes d’armes que déployait l’esprit français pendant la pause. Il travaillait dans une entreprise de prestations de services et avait du travailler tard pour avancer de façon minime sur un dossier qui semblait ficelé à son plan de carrière. Il fit mine de s’abîmer dans la contemplation d’un journal syndical pour faire fuir les importuns: rien n’éloignait plus un cadre dans une société de service que le voisinage d’un tract politique ou d’un bulletin syndical; les deux espèces pouvaient cohabiter dans le même biotope qu’à la condition expresse de respecter des distances de sécurité drastiques. “Le cadre d’entreprise est décidément une espèce bien fragile et bien craintive” songea Samuel, brusquement las. Il se concentra sur son opuscule. il ne le lût pas et se contenta de le fixer luttant pour garder les yeux ouverts. Deux jolies secrétaires de direction, continuant à dévider le fil de leur conversation, passèrent devant lui en le saluant d’un petit hochement de leur frais minois. Il leur répondit par un bref hochement d’une tête que nul n’aurait eu l’idée de qualifier de frais minois. Sans plus essayer de lire, il s’absorba sans vergogne dans l’écoute du dialogue tenu par les jeunes femmes. - Oh, moi, il a fait beau, c’était cool. -T’as fait quoi de ton séjour? -Après l’année que j’ai passé, je suis venue sur la plage uniquement pour bronzer, avec un livre… Tranquille… -T’as lu quoi? - Je sais même plus mais bon, quand tu bronzes avec un livre, est-ce-que tu le lis? Je crois que je ne l’avais emmené que parce-que la couverture était assortie avec mon maillot. Puis elles éclatèrent d’un rire que, la fatigue aidant, Samuel renonça à qualifier autrement que cristallin. À la typographie vindicative du bulletin syndical succéda dans son cerveau harassé, une douce vision: celle de la jeune fille offerte au soleil sur une natte de plage. Il composa artisanalement une image mentale comprenant le joli visage de la secrétaire qu’il connaissait un peu pour l’avoir distraitement admiré avec un corps féminin protéiforme issu de la fréquentation assidue d’anciennes photos de Playboy ou de Lui, preuve revigorante que la mémoire de ses anciens émois restait vivace et pouvait l’inonder de souvenirs réconfortants. Il l’imaginait, les tempes trempées, le corps délicatement salé par l’océan et rôti par un soleil trop doux pour être honnête. Le maillot fin, forcément très fin, laisser deviner par transparence des rotondités qui enflammait son imagination débridée par l’insomnie. Un tintement de pièce, l’une après l’autre, les jeunes filles prirent le gobelet brûlant, le portèrent à leurs lèvres, esquissant une jolie moue voulant signifier que le café est soit trop chaud, soit immonde, un regard, un sourire, elles reprennent leur conversation, Samuel s’est endormi d’un sommeil solaire. “Une journée de beau temps, une seule, j’ai attrapé des coups de soleil qui m’ont fait souffrir le martyre. Je suis restée claquemurée dans la chambre de mon bungalow insalubre où je me suis emmerdé pire encore qu’avec mon ex. Dès que j’ai pu ressortir, il pleuvait tellement que j’ai préféré rentrer. En plus, moi qui espérait rentrer avec un beau mec, un surfer ou au moins un maître nageur, je suis juste rentrée avec une mycose vaginale: le sable et l’eau de mer.”

 

 

Lucas Hermse

 


 
     
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N°04 – Juin  2012
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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 18:48

Fête chez les souris

C’est la fête chez les souris de Maidenhaid, petite paroisse anglicane du Berkshire. Monsieur Hope pasteur et maire du bourg a décrété un régime végétarien pour ces félins .Oui Monsieur le pasteur en a assez de ramasser des souris raides mortes dans son jardin, jouxtant l’église. Alors c’est une interdiction formelle pour les matous de tuer les souris. Les chats partis, les souris dansent virevoltent à leur nez et à leurs barbes.Wisely mouse tirent les vibrisses de White cat .Miny Mouse qui joue à cache-cache avec ses camarades et tombe par inadvertance sur les pattes du Poussycat. Les greffiers mignons sont excédés, ils quittent les limites communales lui préférant une vie plus sauvage. Alors les souris protégées par la municipalité sont zen. Elles sont en pleine forme et deviennent prolifiques plus que jamais. Au moins cinquante souriceaux par mère et par an. Par conséquent, nos petites rongeuses en comité politique doivent décider des grandes orientations du plan .Oui, il faut des crèches des écoles maternelles et un centre de planification. Elles développent les moyens de contraception tels pilules, préservatifs stérilets mais les articles sus nommées étant rares, elles ont du mal à s’approvisionner et doivent attendre un délai de livraison qui est de deux mois. Que faire pendant ce temps s’accoupler ou pas ? Est-ce que ces dames vont toujours recevoir dans le vase adéquat. Quelles solutions vont-elles trouver ? Naitre ou être est bien la question.

 

 

Chantal Priolet

 


 
     
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N°03 – Avril  2012
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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 04:35

Que la montagne est belle

Enfant, je rêvais en regardant les images de mon premier manuel de géographie. L’une représentait la montagne : des rochers sur lequel se dressait un curieux animal ressemblant à une chèvre, un torrent écumant, un chemin caillouteux virant en épingle à cheveux, une pente particulièrement abrupte couverte de sapins, des sommets blancs de neige s’élançant vers le ciel et, au milieu de tout cela, une voiture décapotable d’un modèle ancien conduite par un homme jeune dont l’écharpe volait au vent. A ses côtés, une femme souriait, heureuse… A la page suivante, entre deux falaises, quatre hommes armés de piolets et reliés entre eux par une corde semblaient avancer prudemment sur une langue de glace parcourue de crevasses… Plus tard, j’ai trouvé chez mes grands-parents, dans un cadre accroché dans la grande salle, où nous allions rarement, une photo où je reconnaissais ma grand-mère, l’une de mes tantes et où je devinais le grand-père que je n’avais pas connu, accompagnés de deux couples très certainement étrangers à la famille près d’une curieuse automobile dans laquelle on apercevait quatre rangées de sièges. Le décor était grandiose. Le groupe posait devant une balustrade en fer qui dominait sans doute un abîme vertigineux. J’interrogeai. Yvonne évoqua brièvement une excursion dans les Pyrénées avant la guerre…Ils avaient séjourné à Argelès-Gazost. C’est elle qui avait photographié, dans le col de l’Aubisque. Pour moi, ce mot évoquait le Tour de France et les épopées glorieuses de Vietto, Robic, Coppi, Koblet ou Géminiani…et leurs photos pleine page dans « Miroir-sprint ». Je m’étonnai qu’une personne qui avait eu la chance de parcourir des lieux aussi imposants n’en dise rien… J’ai compris plus tard. Pour apprécier la beauté des sites, il faut, sans aucun doute, l’affronter à vélo – je ne l’ai jamais fait- ou à pied. Une paire de chaussures confortables, un sac à dos, suffisamment d’aliments riches en calories, de l’eau, un vêtement chaud, une cape imperméable sont indispensables. La carte au 25/1000ème, la boussole et l’appareil photographique complètent utilement l’équipement. Vous suerez en gravissant le chemin, vous dégusterez framboises et fraises des bois, vous admirerez l’épilobe pourpre dans les clairières ou la gentiane jaune dans les pâturages d’altitude. Vous ne resterez pas insensible à la palette de couleurs variées, du rouge de la joubarde au blanc laineux de la linaigrette. Peut-être serez vous tenter de photographier un insecte butineur, abeille ou papillon, mêlant sess couleurs vives au purpurin d’une civette au creux d’une tourbière.. Il y a quelques années, les marmottes, en sifflant vous invitaient à les deviner près d’un rocher. Aujourd’hui, sachant qu’elles sont protégées, il arrive qu’elles attendent quelques reliefs de repas près d’un refuge. Si vous partez suffisamment tôt, vous pouvez découvrir une horde de chamois gambadant au pied d’un névé. Après plusieurs heures de marche, un vent frais vous averti de la proximité du sommet du col. Selon la topologie du lieu, vous dominerez une vallée très différente et en tous points semblable à celle que vous avez quittée ou vous découvrirez une moraine glaciaire avec ses amoncellement de roches, son lac d’altitude aux eaux glacées, ses tourbières fleuries que domine le majestueux glacier qui semble tout proche. Ici commence une nouvelle aventure : vous pouvez quitter la montagne à vaches pour vous lancer à l’assaut des pentes enneigées. Sans un équipement adapté et la compagnie d’une personne avertie, ne vous laissez pas tenter.

 

 

Claude Aury

 


 
     
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N°03 – Avril  2012
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12 juillet 2012 4 12 /07 /juillet /2012 18:55

Le raccourci 

Il m’avait dit : prends le raccourci par la forêt de Sénart, tu gagnes un bon quart d’heure. Tu tournes à gauche juste à la maison du garde et c’est tout droit pendant deux petits kilomètres. A la fin du chemin, le panneau Brunoy apparaît sous le premier lampadaire de la ville. Encore éclairées à cette heure de la nuit, les fenêtres de la maison forestière m’ont balisé la voie comme un phare. Je m’engage dans l’étroit chemin goudronné et je roule doucement ; c’est la première fois que je me risque seule dans un bois, à 11 h du soir au volant de ma vieille Simca 1000 poussive. Elle a eu quelques ratées tout à l’heure comme ça lui arrive de plus en plus souvent. Je dois être à mi-chemin ; dans le rétro, la maison du garde a disparu. Tout est sombre derrière. A l’avant, les pinceaux des phares tracent deux lignes blafardes dans le tunnel lugubre et humide de cette nuit de septembre. Je n’en mène pas large. J’agrippe le volant, le nez à dix centimètres du pare-brise comme si je roulais dans un brouillard épais. A nouveau, ces foutus à-coups ! Là… c’est plus grave. Je me range sur le bas-côté jonché de feuilles. Le moteur faiblit et s’arrête en même temps que les lumières s’éteignent. J’essaie de redémarrer, une fois, deux fois, c’est foutu ! Faut qu’elle me lâche cette nuit ! La pile Wonder à la main droite, mon sac en bandoulière, j’ai décidé de rebrousser chemin vers le logis du garde ; la distance me semble plus courte vers ce point identifiable que vers la ville sûrement déserte à cette heure. Mes ballerines s’enfoncent un peu dans le sol. Je n’ai parcouru que quelques mètres et j’ai déjà froid, aux pieds, aux jambes, le long du dos. J’ai beau me forcer à maintenir une cadence soutenue – je suis une bonne marcheuse ! – je me sens envahie peu à peu par l’humidité ambiante et, je dois le reconnaître, par une panique qui me saisit un peu plus à chaque pas. C’est encore loin ! Le sol, inégal, me contraint à marcher la tête baissée mais je préfère l’illusoire protection du sous-bois et du fossé qui le borde à la route sur laquelle surgirait un automobiliste malveillant. J’augmente ma cadence et je me force à respirer régulièrement. L’odeur de l’humus emplit mes narines. Tout à coup, un frémissement inquiétant : près de la fougère, là, quelque chose vient de bouger. Je me fige : un mulot vient de sortir précipitamment de la frondaison pour rejoindre le passage busé plus hospitalier. Sa longue queue effilée souligne sa vitesse paralysante. Je m’écarte de l’endroit pour ne pas risquer la rencontre d’autres rongeurs et je repends mon chemin, prêtant l’oreille aux bruissements qui m’obsèdent. Je n’ai pas peur de ceux des arbres : une chouette en faction, un écureuil qui grimpe ne vont pas me mettre en danger mais que cachent ces bruits secs, ces froissements de feuilles, et si des gens vivaient cachés ici, des malfrats, des voleurs… On n’est plus au temps de Vidocq mais qui sait… Au loin, là-bas, une percée blanchâtre, une mare certainement, la forêt en compte beaucoup. Un point d’eau pour vivre en bande ou même seul… Je ne distingue rien dans ces futaies. Au détour d’une faible courbe de la route, je découvre avec bonheur quelques points jaunes, au loin : les fenêtres de la maison forestière. Je me mets à courir sur la route pour atteindre mon but au plus vite. Il faut que je retrouve mes semblables, que je quitte enfin cette nature inhospitalière. J’arrive, exténuée. Je reprends mon souffle avant d’appuyer, soulagée, sur la sonnette à droite du portillon. A ce moment-là, j’entends, à l’intérieur, le cri d’effroi d’une femme qui supplie : « Non, Louis ! » puis une détonation secoue la maisonnette. La porte s’ouvre et une jeune femme souriante s’exclame : Eh bien, j’avais raison, quelqu’un sonnait mais avec la télé à fond….

 

 

Chantal Gaultier

 


 
     
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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 18:26

En quête à Voisinlieu

(Polar) 7e épisode
 

– « Où étiez-vous ces cinq dernières années ? » Michel hésita quelques secondes. Fallait-il dire la vérité ? Comment justifier ce trou de cinq années ? « J’étais dans la Légion, j’ai fini mon engagement la semaine dernière. » « Apportez-moi l’attestation de fin d’engagement la prochaine fois. » Elle se leva, l’entretien état terminé. Michel comprit qu’elle voulait se débarrasser de lui au plus vite. Il se redressa, et sortit du bureau. Il n’en aurait jamais fini avec l’injustice de sa condamnation. Pourtant il avait payé sa dette à la société mais rien n’y faisait, le fils de Bernard en avait après lui. Son pécule fondait à vue d’œil, Rosa ne pouvait rien pour lui. Il était coincé. Il alluma une cigarette, trouva un banc et s’assit pour réfléchir. C’est alors qu’une Twingo s’arrêta et que Sophie lui fit signe de monter. Il écrasa sa cigarette, ouvrit la portière et prit place dans la voiture. « Je crois que vous feriez mieux de repartir avant que ça tourne mal. Mon père veut vous tuer. Je vous conduis à la gare routière. Prenez le premier car et filez au plus vite. » Il pensait reprendre son sac au Café des Promeneurs mais il était déjà trop tard. Il devrait se contenter de ce qu’il avait sur lui. Sophie proposa de prendre ses affaires et de lui rapporter. Elle le déposa près de l’ancien abattoir, il n’aurait pas trop à marcher. Elle sortit alors son portable et donna un coup de téléphone. Le piège s’était refermé sur Michel qu’une voiture renversa dans la rue des Cheminots sans même s’arrêter. Un témoin affirma qu’il s’agissait d’une vieille voiture rouge, peut-être une R8 ou une Simca 1000.

 

FIN …

 

Philippe GEIGER

 


 
     
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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 13:19

En quête à Voisinlieu

(Polar) 6e épisode
 

  – Une brève convulsion… Il s’était repris. De ses années de taule, il avait appris à se ramasser, encaisser, sans broncher, pour se venger ultérieurement avec une cruauté froide. Le panache, c’est un luxe que l’on ne peut pas se permettre en prison. Il savait qu’il ne pourrait rendre les coups, mais, le premier moment de stupeur passé, il se coula dans la violence comme dans de vieux chaussons. Il se raidit, se sentit redevenir animal; sa raison, chancelante, laissa son cerveau reptilien prendre le contrôle des opérations, comme deux catcheurs se tapent dans la main pour que le plus frais des deux puisse monter sur le ring. Il se ramassa et attendit. L’air buté de Michel laissa les deux brutes un peu désorientées. Ils auraient aimé le voir crier pour le mépriser, le voir cogner pour riposter avec fureur mais ils avaient juste entre les mains ce corps tendu dont ils ne savaient que faire, ce corps dont le seul rictus insane distillait la folie dans le cœur, comme par capillarité. Cela coupa leur élan. Ils firent ce qu’il ne faut surtout pas faire en pareil instant: ils réfléchirent. Ils virent les lumières qui commençaient à jaillir des fenêtres. Ils se virent essayer de menacer un zig qui avait fait quelques années de zonzon dans les lieux les plus dangereux de la France métropolitaine, un mec qui avait tué à mains nues. Ils se sentaient maintenant comme deux cons ayant essayé d’écraser une vipère en chaussettes. Ils le lâchèrent brusquement, comme si leurs pensées avaient suivi le même chemin, s’engouffrèrent précipitamment dans l’auto toujours ronronnante et démarrèrent en trombe pendant que Michel, légèrement titubant, essuyait de sa manche le mince filet de sang qui gouttait de sa lèvre tuméfiée. Il était furieux, contre lui même, contre Rosa surtout: cette grue n’avait rien pu trouver d’autre comme père de son enfant que le fils de Bernard. Bordel! Elle s’était bien gardée d’en parler… Il marchait plus vite, s’enivrant de violence et de vengeance, et peut-être, sans qu’il pût en avoir conscience, que des gestes convulsifs de ses bras moulinant l’air attirèrent le regard des employés qui rentraient chez eux. Puis cela tomba. Un calme soudain, solaire, l’irradia. Marcher, la ville, le soir… La vie revenait en lui. On eût dit qu’à l’inverse du soleil disparaissant en un crépuscule somme tout assez réussi, une sérénité poignait et diffusait une douce chaleur. Ce soir-là, il dormît d’un sommeil de plomb. Il se leva vers huit heures, se rasa soigneusement, prit un petit-déjeuner copieux, ne fuma pas et s’habilla avec les habits les moins froissés de sa valise. Sa matinée était chargée. Trouver un bureau de placement et aller fouiller dans les archives. Il fut bientôt assis, en compagnie d’autres spécimens variés de la population beauvaisienne dans une salle d’attente froide, morne et grise que des employés consciencieux avait vainement tenté d’égayer en apposant des affiches vantant les délices et avantages d’une carrière dans la police, le pénitentiaire ou l’armée. Michel trouva somme toute encourageant pour l’avenir de l’humanité que ces professions connussent une crise des vocations. Une dame d’une quarantaine d’année, d’apparence revêche le reçut. La froideur et la défiance affichées sur son visage qui eût pu être attrayant décourageait toute tentative de contact ou d’empathie. Michel se demanda brièvement si cette posture était une protection contre la détresse qu’elle côtoyait ou si elle souffrait d’une constipation prolongée qui avait durablement altéré ses rapports avec le genre humain. Après un bref hochement de tête, elle s’abîma dans la lecture de la fiche qu’il avait antérieurement remplie et commença silencieusement à cocher des cases. Michel, friand de silences embarrassants apprécia celui-ci en connaisseur et le laissa croître. Ce fut elle qui le rompit brusquement en lui demandant: …

 

Lucas HERMES

 


 
     
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2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 13:14

En quête à Voisinlieu

(Polar) 5e épisode
 

  5e épisode – Yolande DHEILLY Qui a bien pu partager un café avec elle et puis pourquoi est-elle encore en déshabillé si elle doit se rendre au marché ? Il songe à une visite nocturne après son départ de la veille, mais il n'ose poser de questions pour ne pas briser l'émotion, pour retenir ce pétale de bonheur intense. Rosa a capté son regard inquiet et douloureux, elle murmure d'une voix mal assurée : - Quelqu'un m'a rendu visite tôt ce matin mais ne t'inquiètes pas, ce n'est pas ce que tu crois ! - Rosa, ma douce, trop de mystères entourent ma vie depuis que je suis revenu dans le quartier. Ne me complique pas les choses ! Elle lui tend les mains avec une expression de tristesse, un air d'animal blessé. Il remarque alors des hématomes sur le dessus de ses mains et autour de ses poignets. - Qui est ce "quelqu'un" qui t'a violentée Rosa ? Tu dois me le dire ! Il l'attire vers lui pour l'apaiser, pour la consoler, le mettre en confiance. Elle sanglote à présent : - C'est Pierre, le père de Sophie, nous sommes séparés depuis très longtemps, mais il ne le supporte pas. Je lui ouvre la porte à cause de notre fille, mais il a des accès de violence périodiques car je refuse de reprendre la vie commune. Laisse-moi maintenant. Je dois m'habiller et aller en ville. Reviens demain vers midi, nous déjeunerons ensemble. Michel s'éloigne de la maison tel un félin qui cherche sa proie. Des sentiments contradictoires l'envahissent. Il évite de justesse une voiture dans la rue. Tiens… une twingo jaune… Il a l'impression de l'avoir déjà remarquée. Tout à coup, il se sent traqué. L'enfermement l'aurait-il rendu un peu paranoïaque ? Il doit se calmer. Il erre dans la ville toute la matinée en regardant les vitrines avec des yeux qui ne voient plus. Puis il engage une longue course vers le plan d'eau du Canada qu'il contourne plusieurs fois ne ressentant que l'odeur de l'étang et la brise fraîche sur son visage. Il transpire, à bout de souffle. Quand la nuit tombe, son corps apaisé se dirige vers l'hôtel tel un automate. Au passage à niveau il a l'impression d'être suivi…toujours cette angoisse de fugitif, du prisonnier surveillé… Il s'engouffre dans la rue Odet de Châtillon qui l'enveloppe de sa noirceur. Au bout de la rue, il reconnaît la voiture jaune qui a failli l'écraser. Trop tard pour réagir ! Deux hommes le ceinturent tandis qu'un autre le saisit à la gorge, l'insulte, le menace d'un couteau ! - Que t'ai-je fait ? Qui es-tu ? hurle Michel s'adressant à l'homme au couteau - Je suis Pierre. Ne t'approche plus de Rosa ni de ma fille ! - Mais que me veux-tu ? - Je vais te le dire, ordure ! Tu as flingué Bernard, mon père pour rien ! Le tien de père était un collabo. Mon père, lui, n'a fait que son devoir en le dénonçant aux autorités après la guerre ! L'espace de quelques secondes, des images martèlent le crâne de Michel, insoutenables : la dépression de sa mère, la ruine de son père, les insultes de Bernard envers ses parents le soir du meurtre. Michel pense à appeler la police. Quelle dérision ! …

 

Yolande DHEILLY

 


 
     
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